Mon amour pour toi est comme un plateau de cinéma. On rejoue la scène encore une fois. On se replace sur nos marques. Raccord maquillage. Son, OK. Lumière, OK. Ça tourne. Mon regard s’allume tout à coup. Magie du cinéma. J’apparais.
Je te fais face et te dis ces mots que je n’ai jamais vraiment su dire dans la réalité. Je les répète encore et encore. Ils trouveront un sens particulier pour le public car ils auront le goût de la nouveauté. À force de te les avoir dits, ils me donnent la nausée. Tu réponds quelque chose mais je ne t’écoute déjà plus.
Je récite mon texte. Nous avions écrit cela il y a bien trop longtemps. Le scénario a été remanié à maintes reprises depuis, à tel point que je ne sais pas très bien comment tout cela va bien pouvoir finir. Mes répliques veulent-elles encore dire quelque chose aujourd’hui? Je joue ma scène. Je n’y mets pas une intensité particulière. Je ne suis pas un grand acteur.
La lumière est aveuglante. Je ne vois pas mes marques. Je t’imagine à moitié. Ton image se superpose à mon imagination. Le projecteur crée un halo autour de ton visage. Qui es-tu? Visage interchangeable. Choix à faire. Perdu. Aveuglé. Perdu. Perdu. Pourtant je ne peux détourner mon regard de toi. Image factice imprimée sur pellicule. Tu restes un troublant mystère tant cette représentation te ressemble mais n’est pas toi. Je me perds dans la contemplation de cet autre. Reflet scintillant mais froid et inaccessible.
Quelqu’un quelque part crie Action et quelque chose doit se passer. Même après une longue pause où je suis reparti de mon côté, je dois retrouver l’intensité initiale. Il ne faut surtout pas laisser transparaitre un décalage entre la scène que je joue et ce que je ressens vraiment. C’est ce qui fait la différence entre JOUER et VIVRE. Pourtant, je n’y suis déjà plus. J’ai peur de disparaitre. On se bat comme des fous pour se donner l’illusion de la continuité alors que l'on sait bien qu’entre deux plans, plusieurs jours, voir plusieurs semaines se sont écoulées! J’ai du mal à faire semblant vois-tu.
Souris. Pleure. Exprime ton intériorité. Souris.
Tu me trouves beau. Je fais comme si je le savais déjà. Je suis ton fantasme. Cela m’effraie un peu. Tes yeux trahissent tes pensées : même habillé tu m’envisages nu. Je te parle, tu ne m’écoutes pas. Tu m’imagines dans ton lit, offert. Je ne suis qu’un corps. Un objet. Je me plie à tes vices par dégoût de moi-même et j’essaie d’apprendre à m’aimer au travers de toi. Sans succès.
Je ne veux pas disparaitre.
Dans le fond je ne suis pour toi que ce que tu as su projeter sur l’écran. Une image fugitive. Mais qu’en est-il de moi? Du vrai moi je veux dire. Que reste-t-il une fois les caméras éteintes? Cela te suffira-t-il?
Tu prends, tu prends, mais tu ne rends rien.
Je suis à l’affût de toi. De tes attentions. Je ne veux pas que tu m’oublies. Je veux que tu m’aimes. Mais une fois que tu l’as décidé, je n’existe plus. Mon monde factice s’écroule. Plus rien à sauver. Et je disparais. Je te supplie, je me mets à genoux. Mais que reste-t-il du personnage une fois le générique fini?
Je n’existe plus.
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